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Tarik GUISSER
23-11-2021 7 min read

"Comment un album rock a eu raison de mes croyances et illusions sur les marques ?"

Tarik GUISSER - Head of Brand - Publicis

 

"La scène se passe dans une salle de réunion au design ostentatoire comme il en existe tant dans le monde des agences et des annonceurs. Après une présentation concluante ponctuée ici et là de gorgées d’atay messous et de café allongé, le directeur(rice) marketing nous confie le plus sérieusement du monde avec un sourire un peu gêné « espérons que vous ne fassiez pas trop bien votre travail, cette innovation produit n’est pas viable pour nous économiquement, on veut juste communiquer un peu parce que c’est la saison. »

Sur le coup, je n’avais pas trop réalisé mais le soir sur la route de chez moi aux sons de « Use your Illusion I », je me remémorai les longues semaines de recherche, de planning strat, les brainstorms douloureux et les nombreuses heures à se pencher sur la meilleure manière d’annoncer cette incroyable nouveauté qui allait nous permettre de « driver les ventes et builder l’equity » (rien que ça).

J’osais à peine imaginer le temps que ça avait pris chez l’annonceur pour préparer, élaborer et concevoir cette innovation et le brief qui porte le même nom.

Je balayai de mon esprit ces pensées négatives et me replongeai dans mes souvenirs à la recherche de quelques briefs inno qui auraient eu de l’impact ou peut-être une longévité plus ou moins comparable au solo de slash sur November Rain...en vain, walou !

Pourtant l’innovation, on le sait, c’est bien. On nous apprend qu’il faut abreuver le consommateur de nouveauté, qu’il faut renouveler les cycles de vie des marques, qu’il faut se différencier de la concurrence, qu’il faut des new-news pour maintenir l’attention du conso, que le jeu en valait la chandelle en terme de ROI et de santé de la marque…change or die toussa.

Il se passa alors un truc bizarre en moi pendant qu’Axl Rose faisait ses incantations sur Don’t cry, j’étais en train de subir une « za3za3ate 3a9idat publicitaire » (ébranlement de la foi d’un publicitaire) : et si tout cela n’était finalement qu’un bon Bullshit répétitif dans lequel nous baignons et dans lequel nous entrainons nos marques?

 

Pour revenir à la sacro-sainte Newness : les innovations produit, les enrichissements de formule, les nouvelles variantes, etc…que nous greffons aux marques chaque année sont-elles réellement rentables ? Répondent-elles à un vrai besoin conso ? Sont-elles utiles aux gens? Rendent-elles vraiment service à la marque ou au contraire l’affaiblissent-elles ? Ont-elles vraiment un impact sur les volumes ? Ont-elles un impact même microscopique sur la société ou la vie des gens ?

Je crains que l’on puisse répondre facilement à ces questions en paraphrasant simplement un refrain connu d’Amy Winehouse.

L’innovation comme le saint graal recherché pour sauver les marques ne serait donc qu’un mythe ? Combien d’autres mythes existent-il autour des marques alors ?

On nous dit qu’il faut faire de la conversion, qu’il faut fidéliser le consommateur, qu’il faut constituer un max de data, qu’il faut des formats courts (6 secondes pas plus parait-il), qu’il faut créer de la différenciation, de la conversation, qu’il faut-ci, qu’il faut ça, etc…

Mais peut-être qu’il faudrait commencer par arrêter de dire il faut ? Et remplacer peut-être tous les « il faut » par des « il ne faut pas » ?

Plusieurs éminents spécialistes des marques comme Byron Sharpe, Peter Field, Mark Ritson, Les Binet ou Wiemer Snijders (pour ne citer qu’eux) pensent qu’il est grand temps de challenger ces règles immuables que nous appliquons aux marques et que nous perpétuons religieusement sans réellement nous questionner sur leur opportunité ou utilité réelle. C’est en partie sur leurs recherches en plus de mon vécu au contact des marques pendant plus de 15 ans que se basera l’intervention que j’aurai le privilège de faire au Digital Brunch le 8 décembre prochain.

 

Pour finir, Picasso disait que ça lui avait pris toute une vie pour apprendre à peindre comme un enfant, je me demande de combien d’années aurons-nous besoin nous gestionnaires de marques pour réfléchir comme de vraies personnes ?

En d’autres termes : Prenons-nous assez de recul par rapport aux marques pour juste réfléchir avec plus de bon sens et moins de technicité ? Do we care enough ou sommes-nous en pilotage automatique en ce qui les concerne? Sommes-nous trop experts et pas assez humains dans nos réflexions ? Perpétuons-nous des croyances consacrées vérité au détriment parfois des faits et des résultats ? Élevons-nous au rang de mythes des illusions sur les marques qui ne demandent qu’à être démystifiés ?

Peut-être avons-nous trop pris à la lettre le titre de ce magnifique album qu’est « Use your illusion » ?"

 

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Tarik Guisser - Head Of Brand - Publicis.

 

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